La relation entre longueur et raideur.. !

Ne vous méprenez pas, rouesartisanales.com n’a été vendu au profit du cinéma pour adultes… Le thème est ici un peu moins terre à terre: souvent discuté mais rarement étudié dans les détails. Il s’agit de l’incidence de la longueur et de la disposition des rayons sur la déformation de la roue.

RAR atelie

Protocole d’essai

Comme précédemment, nous utiliserons une masse de 10kg, chargée perpendiculairement à la jante sur un rayon adjacent au perçage de valve.

Les courbes que nous analysons représentent le comportement circulaire, en déformation à la charge, que subit la roue sur toute sa circonférence.

 

En quoi consiste donc le test? 

Dans cette étude nous analysons le comportement du montage de la roue. Les rayons contribuent-ils plus ou moins à la raideur selon une disposition radiale ou croisée ?

Démarrons par la configuration difficile à appréhender d’une roue arrière. Sa particularité est le déséquilibrage volontaire induit par la cassette.
Ce coté ne subira pas de modification, il restera tout le long du test en croisé par 2.

La raison vient du transfert du couple moteur du cycliste: l’énergie transite du moyeu vers la jante quasi exclusivement de ce côté: le rayon travaille donc de manière optimale quand il prend la tangente au flasque. Il est alors idéal de tirer profit de son sens fort: le sens long. Il gagne ou perd donc en tension selon qu’il quitte le flasque vers l’avant ou l’arrière.

Les modifications consisterons donc à modifier la disposition des rayons côté opposé de la cassette à la fois en angle « latéral » et « longitudinal ». Le premier angle est communément appelé le « parapluie » de la roue, il s’agit simplement de la distance du centre de la roue, jusqu’au flasque. Le second angle représente l’angle « tangentiel » que prend le rayon en sortant du flasque du moyeu.
Dans les termes habituels des spécialistes roues, ceci revient donc à rayonner en radial, de plusieurs manière différentes, ou en croisant les rayons, toujours de plusieurs manières différentes.

RAR EVEN 38 - rayons radiaux alternés

RAR EVEN 38 – rayons radiaux alternés côté opposé roue libre. 2X côté cassette

Pour cette série d’essai, nous utilisons la jante RAR EVEN 38 montée sur un moyeu RAR et des rayons DT Aérolite. La tension des rayons est homogène et identique côté cassette pour chaque test. Côté opposé cassette, la tension des rayons sera homogène aussi et résultante de la configuration de rayonnage. La même jante et le même moyeu sont utilisés pour chacune des configurations pour ne pas fausser les résultats.

Afin de ne pas se limiter à une seule roue, nous avons souhaité comparer les résultats avec une roue avant, donc symétrique, fabriquée à partir d’une jante RAR TEMPO 27 monté en DT Aérolite sur un moyeu RAR.  Il s’agira du second temps.

 

TEST ROUE ARRIERE

Sur cette roue arrière nous allons donc jouer sur les configurations suivantes:

Configuration Rayons côté opposé roue libre Rayons côté roue libre
1 (standard) Croisement par 2 avec contact Croisement par 2
2 (standard avec modif.) Croisement par 2 sans contact Croisement par 2
3 (radial parapluie min.) Radial, coude rayon à l’intérieur du moyeu Croisement par 2
4 (radial parapluie max.) Radial, coude rayon à l’extérieur du moyeu Croisement par 2
5 (radial parapluie moy.) Radial, coude rayon alterné: 1/2 intérieur 1/2 extérieur Croisement par 2

Sens de déformation: opposé roue libre vers roue libre

Sens de déformation roue: opposé  roue libre vers roue libre

Point à 0°   Point à 180°   Rigidité (N/mm)
Déplacement écart Déplacement écart
Croisé par 2 avec contact 2.54 Valeur de référence -0.84 Valeur de référence 39.91
Croisés par 2 sans contact 2.44 -4,1% -0.82 -2.44% 43.01
Radial coudes extérieurs 2.29 -10.91% -0.74 -13.51% 46.02
Radial coudes intérieurs 2.53 -0.39% -0.93 +9.68% 38.78
Radial coudes alternés 2.38 -6.72% -0.78 -7.69% 44.15

 

Constatation 1: si l’on rapproche le rayonnage croisé par 2 standard, avec contact donc, et le rayonnage sans contact, on se rend compte d’un gap assez intéressant. La version sans contact présente une déformée amoindrie comparée à un modèle avec.
Interprétation:  Nous supposions au départ que les croisements de rayons sur une roue pouvaient être assimilés à des zones figées au premier tiers du rayon comme la résistance des matériaux le laisse sous-entendre: l’utilisation de condition limite de type encastrement ou encore appui plan aurait dû avoir pour rôle de diminuer les déformées.
Or ici l’effet inverse s’est produit: les rayons assemblés sans contact, ont une déformée plus faible qu’avec.
Concrètement, sur la version avec contact, tous les rayons se rejoignent à une dizaine de centimètres du moyeu. Ils prennent donc tous un angle « latéral » identique, que nous appellerons « moyen », car il sera à moitié dépendant du rayon ayant le coude à l’extérieur du moyeu, avec donc un bel angle de sortie, et à moitié de celui ayant le coude à l’intérieur avec un angle de sortie « moins favorable ».
La différence majeure avec la version sans contact concerne ce dernier point justement. L’angle « latéral » que prennent les rayons assemblés avec coude à l’intérieur ou à l’extérieur n’est pas altéré: il y a donc des rayons ayant un angle « très favorable » et les autres ayant un angle « défavorable ». Il n’est plus question de « moyenne » ici. Le résultat est sans appel: il y a une différence de rigidité que nous pourrons assigner sans doute aux rayons avec angle « très favorable ». A priori il serait donc préférable d’un point de vue raideur, de privilégier une configuration de rayons avec un angle prononcé, et d’autres avec un angle standard, plutôt qu’une moyenne des deux. A confirmer avec les résultats suivants.

Mise en évidence du croisement par 2 avec contact

Mise en évidence du croisement par 2 avec contact

 

Constatation 2: Le rayonnage radial apporte un gain de rigidité sur le rayonnage croisé par 2 sauf dans le cas où le rayonnage croisé par 2 est réalisé sans contact.
Interprétation: ici la seule modification concerne la taille des rayons. En croisement par 2 ils prennent quasi la tangente au moyeu et sont donc longs, en radial ils quittent le moyeu vers la jante par le chemin le plus court. Le centimètre de différence de taille de rayon se traduit par un bond en rigidité latérale.

Constatation 3: à partir des 3 configurations de rayonnage radial différentes, un classement peut être établi rapidement. De la moins rigide à la plus rigide: radial coudes intérieurs, radial coudes alternés, radial coudes extérieurs.
Interprétation: Ces 3 rayonnages radiaux ont pour point commun la taille de leur rayons. En réalité, le radial coudes extérieurs prend un demi millimètre de longueur en plus face à la configuration coude intérieur car il parcourt un chouia plus de distance du moyeu à la jante. Mais nous ne nous approchons  pas du cas précédent où il y avait 10 bons millimètres. Nous négligerons cette micro différence pour nous focaliser sur la disposition, donc les angles « latéraux » que prennent les rayons en sortie de moyeu.
Nous avons donc ici 3 configurations avec un ordre très défini. La configuration hybride mi interne, mi externe offre justement la raideur de roue intermédiaire, entre la version coude interne la moins rigide, et coude externe la plus rigide. L’interprétation est ici à portée de main: l’angle latéral que prend le rayon en sortie de moyeu a une importance significative sur le comportement à la déformation de la roue: au plus cet angle est ouvert, au plus la roue est rigide.

radial-coude-externe-ou-interne

Présentation du rayonnage radial. Coude extérieur ou intérieur au flasque. En rayonnage radial alterné, nous en plaçons un dans un sens, le suivant dans l’autre sens.

Constatation 4: L’ordre des déformations entre les courbes au point initial de chargement de la roue se retrouve à l’inverse au point opposé (à 180°).
Interprétation: Ceci signifie qu’une roue rigide au point de chargement se déformera peu entre les patins de freins, et inversement. Ce comportement en déformation circulaire est le même pour toutes les roues de vélo, il met en avant le phénomène fermé de la flexion de la jante.

Constatation 5: les configurations de rayonnages radiaux en coudes alternés et croisés par 2 sans contact ont une similitude dans le sens où les rayons sont alternés: une fois le coude à l’intérieur, une fois le coude à l’extérieur, à chaque fois sans contact. Pourtant une faible différence de déformation est enregistrée à l’avantage du radial.
Interprétation: ici concrètement nous avons un cas similaire à la constatation 2 mais nous réalisons qu’en isolant la taille des rayons comme seul paramètre variable (nous n’avions pas isolé le paramètre de contact précédemment), la raideur de la roue est modifiée de manière faible mais non négligeable. La taille des rayons joue donc clairement un rôle non nul sur la raideur de la roue.

rar-even-croisement-2x-sans-contact

Mise en évidence du croisement par 2 sans contact

Constatation 6: si l’on compare la valeur de référence en croisement par 2 avec contact et le rayonnage radial avec coude intérieur, la déformation est strictement identique, aux erreurs de mesures près. Cependant la déflexion à 180° est très différente. C’est étonnant car sur toutes les autres configurations ont une similitude dans l’évolution des valeurs (regardez les pourcentages).
Interprétation: Nous avons sur ce montage un positionnement des rayons côté opposé roue libre très favorable pour l’équilibre des tensions de la roue car les distances centre de roue flasque droit ou gauche sont assez proches. La hausse de déformation à 180° est difficile à expliquer mais bien présente.

 

Sens de déformation: roue libre vers opposé roue libre 

Sens de déformation roue: cassette vers opposé cassette

Point à 0° Point à 180° Rigidité (N/mm)
Déplacement écart Déplacement écart
Croisé par 2 avec contact 2.50 Valeur de référence -0.86 Valeur de référence 40.16
Croisés par 2 sans contact 2.39 -4,6% -0,75 -14.67% 44.03
Radial coudes extérieurs 2.29 -9.17% -0.78 -10.26% 45.89
Radial coudes intérieurs 2.71 +7.75% -0.87 +1.15% 38.78
Radial coudes alternés 2.37 -5.48% -0.80 -7.5% 44.28

Dans ce sens de chargement, nous observons des comportements identiques au premier sens avec néanmoins quelques particularités.

Constatation 7: le rayonnage radial avec coudes à l’intérieur est le moins rigide de la série, un écart important se creuse avec les deux autres rayonnages radiaux en particulier, ce gap n’était pas présent de manière si prononcée dans le précédent sens de chargement.
Interprétation: Cette singularité ne peut s’expliquer que par une influence différente, selon le sens du chargement, de l’angle latéral sur la déformation. En d’autres termes, dans le sens de chargement où le rayon se détend, l’angle latéral a une influence supérieure sur la raideur roue que dans le sens où il est retendu.
Le croquis ci-dessous présente cette hypothèse si toutefois ce n’était pas clair.

rar_explications

ET LA ROUE AVANT ?

Cet essai nous permet d’aller vérifier ou de contrarier les interprétations des paragraphes précédents. Il permettra aussi d’élargir l’essai et les conclusions sur une roue avant à rayonnage gauche/droite symétrique.

RAR TEMPO avant - 28 rayons - 3X

RAR TEMPO avant – 28 rayons – 3X

Déformation à 0° Déformation à 180° Rigidité (N/mm)
TEMPO 28r – radial coude extérieur 1.51 -0.34  64.9
TEMPO 28r – radial coude intérieur 1.74 (+13,2%) -0.42 (+19%)  56.32
TEMPO 28r croisé par 2 avec contact 1.65 (+8,5%) -0.36 (+5,5%)  59.39
TEMPO 28r croisé par 3 avec contact 1.71 (+11,7%) -0.41 (+17%)  57.31

Dans ce tableau les configurations sont comparées vis à vis de la version la plus rigide (radial coudes externes).

Dans un premier temps, l’ordre des raideurs induites par le rayonnage est maintenu: le radial coudes externes monte sur la plus haute marche du podium. Il est suivi par le croisement par 2, puis le par 3 et enfin le radial à coudes internes. Les rayonnages croisés par 2 et par 3 le sont avec contact, l’angle latéral « moyen » que prennent les rayons est toujours supérieur au radial à têtes internes donc nous conservons la logique.

En ce qui concerne le croisement par 2 et par 3, l’angle longitudinal est modifié: le croisement par 3 permet au rayon de quitter le flasque avec une tangente quasi parfaite: la taille de rayon est donc maximale et supérieure au croisement par 2. Ce qui explique le delta de déflexion. La logique est conservée ici aussi.

Un point important ne se vérifie pas dans le cas de cette roue avant. En effet la configuration en radial coudes internes présentait, dans le cas de la roue arrière, soit une rigidité latérale identique et une déformation à 180° très différente du croisement par 2, soit une rigidité différente mais une déformation à 180° identique, selon le sens. Dans notre cas présent, le radial coudes internes et le croisement par 3 prennent des valeurs identiques. La symétrie gauche/droite de la roue avant provoque certainement cette particularité.
Pour précision, la configuration de cette roue avant en 28 rayons croisement par 3 est celle qui s’approche le plus de la 24 rayons croisement par 2 de la roue arrière. Raison pour laquelle le radial est rapproché du croisement par 3 ici.

 

Bientôt le bout du circuit

Cet article a l’avantage de mettre en évidence la hiérarchie des rayonnages, en tout cas d’un point de vue raideur latérale, ainsi que les particularités découlant de chacun d’entre eux.

Le prochain article concernera un paramètre tout aussi important:  il s’agit du nombre de rayon et de son impact sur les déformations. En espérant que cet article soit suffisamment clair et explicite !

 
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