Grand test 2011, acte 2. L’inertie est une caractéristique importante pour toute pièce en mouvement. Elle caractérise le niveau de résistance qu’à une pièce lors d’une modification de son état, de sa vitesse pour être plus précis. Cette notion a été mise en avant par Isaac Newton en 1686: « La force qui réside dans la matière est le pouvoir qu’elle a de résister. C’est par cette force que tout corps persévère de lui-même dans son état actuel de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite. »
L’inertie, pourquoi, comment, et quelles conséquences?
Rappelons pour cela quelques petites notions de physique basique. L’inertie est proportionnelle à la masse d’une pièce et à sa vitesse de déplacement au carré. Il s’agit du fameux 1/2mv² pour une pièce en mouvement linéaire ou 1/2Iw² pour une pièce qui tourne. Réduire l’inertie d’une pièce revient donc à réduire sa masse. La masse de l’élément en déplacement a un impact direct sur l’énergie nécessaire pour le faire avancer. Une inertie réduite permettra de limiter la communication d’énergie au système pour le mettre en mouvement ou entretenir ce mouvement. Par la même occasion, ceci permettra de mieux maîtriser les fonctionnalités du produit, sa flexibilité et sa performance.
Dans le cas d’un vélo, le principe est donc intéressant dans ce sens, non seulement quand l’élévation est importante mais aussi quand il n’y a pas de dénivelé, et même à allure constante.
1 . Pour le premier cas, c’est parfaitement logique: hisser en haut d’un col un vélo de 10kg sera toujours plus énergivore que de le faire avec une machine de 6kg. La base de calcul pour déterminer l’énergie nécessaire pour passer d’une élévation A à une élévation B suit la formule E=mgz où m est la masse, g la constante de pesanteur et z la différence d’altitude entre les deux points A et B. Il est alors possible de dégrossir rapidement la puissance nécessaire pour monter un col à une vitesse donnée (P=E/t où P est la puissance moyenne en W et t le temps en secondes).
2 . La pratique du vélo est constamment rythmée par des accélérations, des freinages et des relances. Ici aussi la quantité d’énergie nécessaire dépend de la masse de l’ensemble. Accélérer de 25 à 50km/h est plus simple avec un vélo de 6kg qu’avec un de 10. Dans cet exemple, à vitesses élevées, d’autres forces influent fortement sur l’énergie nécessaire: les frottements aérodynamiques, les frottements des roulements des roues, de la chaîne et du pneu sur la chaussée. En parallèle, le freinage sera aussi plus vif avec une faible masse: moins d’énergie devra être absorbée pour ralentir le déplacement.
3 . Finalement, le troisième point est sans doute celui qui est le plus difficile à cerner. Dans le domaine de l’automobile, il est évident qu’un véhicule plus léger consommera moins qu’un véhicule plus lourd. A ce titre les constructeurs s’évertuent à gagner en consommation via de nouvelles motorisations bien sûr, mais aussi via un gain en masse, surtout sur les sportives. Une étude belge mettait en avant le point suivant: » Pour chaque réduction de 10% du poids d’un véhicule, sa consommation de carburant baisse de 5 à 8%. » Sur un véhicule aussi léger qu’un vélo le principe est parfaitement le même. Amener une masse d’un point A à un point B sera d’autant plus facile que la masse est légère.
Dans ce cas, pourquoi nombre de cyclistes précisent dans leurs conversations de peloton que leurs roues lourdes sont plus faciles à emmener sur le plat? A cette question, une réponse évidente: la roue lourde a emmagasiné de l’énergie pour tourner et avancer. Cette énergie qui a été apportée par le cycliste lors de l’accélération est alors rendue quand il arrête de pédaler. D’où la sensation agréable de conserver la vitesse longtemps. Ceci n’est toutefois absolument pas un critère de performance.
En effet en considérant le système roue comme isolé, il y a donc conservation d’énergie. La roue ne créant pas d’énergie (pas de moteur), l’énergie rendue est donc parfaitement identique à celle emmagasinée pendant l’accélération. Il n’y a donc aucun gain à disposer d’un produit à forte inertie. Au contraire, ce dernier peut être anti-performant dans le sens où la différence en course se fait pendant la phase d’accélération et non pas lorsque l’on arrête de pédaler.
J’espère que ces quelques lignes seront suffisamment claires, détaillées pour comprendre parfaitement l’influence de l’inertie et ses conséquences sur la pratique du vélo.
Le choc des titans
Venons-en au vif du sujet, le comparatif d’inertie entre les plus grandes, les plus prestigieuses, les plus onéreuses roues du marché!
Afin de conserver une ligne comparative aussi juste et claire que possible, le protocole et les comparaisons sont exactement identiques à celles du précédent test, ce dernier ayant à ce jour prouvé qu’il était complet.
Toutes les valeurs présentées ci-dessous pourront donc être intégrées dans le test 2008 pour une comparaison facile et rapide.
Les valeurs suivantes révèlent donc la capacité d’accélération des roues. En termes simples, l’énergie dont elles ont besoin pour accélérer de 0 à 30km/h. Pour information, sachez qu’il faut autant d’énergie pour passer de 0 à 30km/h que de 40 à 50km/h!
Pour le maximum de lisibilité, j’ai intégré trois paires de roues communes en bas de ce tableau.
Modèle | Energie (J) *1 | Poids (g) | Puissance supplémentaire (W) *2 |
Lew Racing Pro VT1 16/20 (2008) | 74 | 832 | 0,00 |
Reynolds RZR 16/20 (2011) | 76 | 901 | 0,20 |
Lightweight Obermayer G3 16/20 (2011) | 80 | 958 | 0,60 |
Corima Winium MCC+ 12/12 (2011) | 80 | 989 | 0,60 |
Aerozenith X1000 (2011) | 84 | 1104 | 1,00 |
Lightweight Ventoux G3 20/24 (2011) | 85 | 1068 | 1,10 |
Lightweight Standard G2 16/20 (2006) | 86 | 1087 | 1,20 |
Lightweight Standard G3 16/20 (2011) | 88 | 1133 | 1,40 |
Lightweight Sprint G3 20/24 (2011) | 91 | 1160 | 1,70 |
Reynolds RZR Team 16/20 (2011) | 92 | 1165 | 1,80 |
Mavic CCU 20/20 (2011) | 93 | 1197 | 1,90 |
Campagnolo Bora G3 | 103 | 1400 | 2,90 |
Fulcrum Racing 7 2007 | 134 | 1873 | 6,00 |
Mavic Aksium Race 2007 | 141 | 1973 | 6,80 |
*1Energie nécessaire pour accélérer de 0 à 30km/h (J). Elle inclue l’énergie de rotation et de translation.
*2Puissance (W) supplémentaire à fournir par rapport aux meilleures roues pour accélérer de 0 à 30km/h en 10s.
Les puissances évoquées dans la colonne de droite correspondent au surplus à développer par rapport aux roues les plus légères. Concrètement en utilisant une paire de roues Lightweight Standard Génération 3, il vous faudra produire 1,40W de plus, à chaque accélération de 0 à 30km/h en 10s (ou 40 à 50) par rapport à la Lew racing Pro VT1. Pour comparer avec un produit existant actuellement, le surplus de puissance à générer par rapport à une RZR est de 1,20W.
En complément d’information, sachez qu’une accélération de 40 à 55km/h en 5 secondes, typique d’une attaque en course, réclamera 7,30W de plus avec une Campagnolo Bora G3 qu’avec une Corima Winium MCC+.
Il est clair qu’au vu des puissances à développer sur l’ensemble coureur+vélo, les gains apportés par les roues les plus légères (900g) semblent assez réduits par rapport à des roues légères (1100g). Il ne faut toutefois pas oublier que ces derniers existent concrètement et sont à intégrer à chaque accélération. Sur une sortie longue, ou sur un critérium, des gains même minimes peuvent faire la différence compte tenu du nombre de relances, de sprints.
Les gains deviennent très importants entre une roue lourde (1700g) et une roue très légère (moins de 1200g). La différence de performance est alors très marquée.
Conclusion
Globalement, toutes les roues full carbone présentées ici offrent des niveaux d’inertie très bas. Il s’agit des produits parmi les plus légers disponibles sur le marché. Il est bien sûr intéressant de comparer ces inerties pour leur influence directe sur la performance du cycliste. Ces mesures sont importantes aussi pour établir un rapport inertie/rigidité qui fera en quelque sorte office de note globale de performance dynamique de la paire de roue.
Dans l’ensemble, toutes les roues haut de gamme du test se tiennent dans un mouchoir de poche, en particulier pour les 4 premières: Lew Pro VT1, Reynolds RZR, Lightweight Obermayer, Corima Winium MCC+ qui sont très proches à la fois en termes de masse que d’inertie de rotation.
Le groupe des roues full carbone ultra légères prend globalement le large avec les roues carbone de conception plus classique qui atteignent généralement des valeurs d’énergie situées entre 90 et 110, sauf exceptions (visualisez le tableau du précédent test, lien en bas de cet article).
Cette première partie du grand test 2011 s’avère donc intéressante pour connaître le classement des roues. En ce qui concerne les résultats très proches, ils ne permettent toutefois pas à l’acheteur de se décider pour un modèle particulier. La partie suivante qui traitera de la rigidité latérale sera beaucoup plus instructive et permettra concrètement de faire un choix entre ces produits…
Adrien Gontier.
Les articles précédents pourront aussi vous intéresser, cliquez sur les liens pour ouvrir les pages:
Grand test de roues full carbone 2011 – Partie 0 – Introduction
Grand test de roues full carbone 2011 – Partie 1 – Présentation
Grand test de roues full carbone 2011 – Partie 3 – Rigidité latérale
Grand test de roues 2008 – Partie 0 – Introduction
Grand test de roues 2008 – Partie 1 – Aérodynamisme
Grand test de roues 2008 – Partie 2 – Inertie
Grand test de roues 2008 – Partie 3 – Rigidité